Santé animale en ville : les maladies urbaines qui guettent nos compagnons

3 novembre 2025

Les villes, un milieu exigeant pour les animaux

Au fil des décennies, les villes n’ont cessé de s’étendre, modifiant profondément l’environnement des animaux domestiques comme sauvages. Si certains s’y sont adaptés, l’urbanisation implique un quotidien rempli de risques sanitaires, parfois invisibles à l’œil nu. Les maladies animales urbaines ne touchent pas uniquement les chiens ou les chats ; elles concernent aussi les oiseaux, les rongeurs, la faune libre et les animaux errants, tous confrontés à des défis que l’on soupçonne rarement. Maladies infectieuses, parasitaires, intoxications : la ville, loin de n’être qu’un espace protecteur, expose les animaux à des menaces spécifiques qu’il est impératif de comprendre pour mieux agir.

Pourquoi la ville rend-elle les animaux vulnérables ?

Le milieu urbain présente des particularités qui fragilisent la santé animale :

  • Promiscuité élevée : la densité d’animaux (domestiques, errants, faune synanthrope) favorise la circulation des agents pathogènes.
  • Pollution et déchets : les zones urbaines génèrent de nombreux déchets alimentaires, susceptibles d’attirer et de nourrir chiens, chats ou rongeurs, mais aussi porteurs de bactéries, virus ou parasites.
  • Manque de ressources naturelles : moins d’eau de bonne qualité, raréfaction de la nourriture adaptée à la faune sauvage, espaces verts réduits.
  • Contact fréquent avec l’humain : pas toujours synonyme de protection ; certains actes involontaires (nourrissage inadapté, déversement de produits toxiques) ont des conséquences sur la santé animale.

À Nice et dans les communes alentour, les associations constatent chaque année les mêmes pathologies récurrentes sur le terrain. Certaines peuvent passer inaperçues aux yeux du public, d’autres ont un impact direct sur la cohabitation homme-animal.

Les maladies infectieuses : virus et bactéries en ville

Pour les chats errants et domestiques : des virus redoutables

  • Leucose féline (FeLV) : ce rétrovirus affaiblit le système immunitaire. Les chats errants sont les plus exposés, car la transmission se fait par la salive, l’urine ou lors de bagarres. À Nice, on estime que près de 10 % des chats des rues sont porteurs, selon les chiffres collectés par Les Félins du Sud.
  • Calicivirus et herpesvirus : responsables du coryza, une « grippe du chat » très contagieuse dans les colonies féline. Les épidémies s’accompagnent souvent de complications respiratoires et oculaires, surtout quand l’accès aux soins est insuffisant.
  • Le typhus (parvovirose féline) : une maladie foudroyante souvent mortelle pour les chatons, se propageant par les excréments et les déjections contaminées dans les points de nourrissage collectif.

Pour les chiens : la urbanisation, facteur aggravant

  • Parvovirose canine : le virus survit longtemps dans l'environnement urbain et profite de la promiscuité entre chiens non vaccinés, notamment dans les parcs à chiens. L’Ordre des vétérinaires rappelle que 70 % des cas en France concernent des chiots vivant ou ayant vécu en collectivité avant l’âge de 4 mois.
  • Leptospirose : transmise par l’urine de rongeurs contaminés, peut infecter les chiens à la suite de promenades dans des zones humides ou mal entretenues (sous-bois urbains, ruisseaux stagnants, zones de ruissellement). L’ARS PACA note une recrudescence des cas en zone méditerranéenne, avec en 2022, plus de 20 signalements à Nice intra-muros.
  • Toux de chenil (trachéobronchite infectieuse) : favorisée par les rassemblements de chiens sur les places publiques, lors d’événements ou dans les pensions animalières. Le virus se transmet facilement par aérosols.

Les maladies parasitaires : puces, tiques et vers prolifèrent en ville

La douceur du climat méditerranéen accélère le cycle de vie des parasites. À Nice, les associations remarquent quasiment toute l’année la présence de puces et de tiques jusque dans les quartiers centraux.

  • Les puces : responsables de réactions allergiques, de transmission de dipylidium (un ver plat) et parfois de Bartonella, agent de la "maladie des griffes du chat". Les refuges niçois notent jusqu'à 90% d’animaux errants infestés en pic saisonnier (source : Refuges Côte d’Azur).
  • Les tiques : vectrices potentielles de maladies comme l’ehrlichiose ou la piroplasmose, notamment dans les espaces verts ou friches urbaines.
  • Vers digestifs : les œufs se retrouvent dans les sols souillés (bacs à sable, jardins publics). Les chiens et chats, surtout les plus jeunes, sont très vulnérables.

Maladies liées à la pollution et aux toxiques urbains

Les animaux urbaains sont exposés à divers polluants ou substances chimiques.

  • Intoxications alimentaires : ingestion de déchets humains, restes avariés ou substances toxiques (ex : produits anti-limaces, raticides, chocolat, xylitol). Selon les vétérinaires niçois, les intoxications au chocolat sont en nette hausse pendant les fêtes, le chiffre ayant doublé entre 2020 et 2022 (source : Vétérinaires 06).
  • Pollution de l’air : certains animaux développent des troubles respiratoires chroniques liés à l’excès de particules fines ou d’ozone. Des études réalisées à Paris ont montré que les chiens vivant en ville présentent trois fois plus de symptômes allergiques que ceux des campagnes (Le Monde, 2023).
  • Empoisonnements volontaires : malheureusement, des cas de déversement de poison ou de boulettes contiennent parfois substances létales (antigel, mort-aux-rats). Les associations de la région PACA recensent chaque année une vingtaine de plaintes pour suspicion d’actes malveillants envers les animaux (source : Fondation 30 Millions d’Amis).

La transmission des zoonoses : vigilance pour l’homme et l’animal

Certaines maladies passent de l’animal à l’homme ou vice-versa. Ces zoonoses restent rares mais doivent être connues.

  • Teigne : infection fongique transmissible lors de contacts rapprochés. Les foyers scolaires ou les familles d’accueil sont les plus à risque.
  • Leptospirose : (déjà citée chez le chien mais également transmissible à l’homme via contact avec de l’eau souillée).
  • Toxoplasmose : parasite transmis par les excréments de chat, peu risqué chez l’adulte mais problématique pour les femmes enceintes.
  • La gale sarcoptique : provoque des démangeaisons importantes, peut se transmettre à l’homme avec isolement des cas dans le quartier du Ray à Nice en 2021 (Agence régionale de santé PACA).

Cas particulier : la faune sauvage “citadine” en danger

Hérissons, oiseaux, chauves-souris et renards s’installent dans les villes pour trouver de la nourriture ou des abris. Ils ne sont pas épargnés par les maladies, au contraire.

  • Trichomonose : maladie parasitaire frappant les pigeons et les tourterelles. Les cadavres retrouvés dans les squares témoignent de la prévalence du parasite, surtout en période estivale (source : LPO PACA).
  • Myxomatose : touchant principalement les populations de lapins urbains, méconnue mais cause d’épidémies foudroyantes dans les parcs (observations rapportées lors de campagnes de stérilisation à Cimiez).
  • Détresse liée à la malnutrition : plus qu’une maladie, la faim chronique fragilise et expose à toute une gamme d’infections secondaires. Les centres de soins pour oiseaux du 06 enregistrent chaque année plus de 150 admissions pour amaigrissement sévère ou déshydratation.

Prévention et action citoyenne : comment protéger la santé animale en ville ?

Face à ce panel de risques, l’action collective s’avère essentielle. Voici des pistes à mettre en œuvre localement :

  • Sensibilisation : informer sur les besoins réels des animaux et sur la dangerosité des déchets et produits chimiques. Des campagnes d’affichage dans la ville de Nice ont permis de diminuer de 18 % la présence de restes alimentaires dans certains quartiers à l’été 2023 (données Ville de Nice).
  • Stérilisation et vaccination : maîtriser la population féline et canine limite la transmission des maladies virales et parasitaires. Les campagnes de stérilisation pilotées par la Métropole Nice Côte d’Azur ont permis une baisse de 23 % des portées de chats errants entre 2020 et 2023.
  • Amélioration de l’environnement urbain : multiplication des espaces verts, accès à l’eau potable pour la faune libre, gestion concertée des colonies félines avec les associations locales.
  • Formation des citoyens et signalement : chaque habitant peut jouer un rôle clé en signalant rapidement un animal malade, blessé ou errant aux structures compétentes (mairie, police municipale, refuges, associations).
  • Collaboration entre professionnels : la mise en réseau des vétérinaires, municipalités et associations accélère la gestion des épidémies ou des intoxications collectives. Lors de la vague d’empoisonnements du printemps 2022 à Nice-Ouest, c’est cette coopération qui a permis d’identifier la source et d’alerter le public.

Vers une ville plus saine pour les animaux… et pour nous

Urbanisation rime avec défis pour la santé animale, mais aussi avec occasions d’inventer de nouveaux modes de cohabitation. Être vigilant, se former, collaborer et agir ensemble, voilà ce qui permettra de limiter la propagation de maladies et d’offrir aux animaux un cadre de vie plus digne. Protéger la santé de nos compagnons, c’est aussi prendre soin de la nôtre : l’ensemble du tissu urbain en bénéficiera.

En savoir plus à ce sujet :